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Ste Mère l’Église - Nuit du 5 au 6 Juin 1944

Largage raté mais Victoire Décisive

Officiers Perdus T2 Rebond en Patagonie

Chapitres IV, V, VI



La bataille de Ste Mère l’Église est racontée par Peyo Etchegaray à Jean Baptiste Mendiburu à la prison de Fresnes lors d’un flashback (retour en arrière) en trois chapitres à Marrakech, Ste Mère l’Église et Carentan dans le Tome 2 « Rebond en Patagonie » !


Préambule


Toute opération parachutiste d’envergure comme tout débarquement d’une façon générale a un seul objectif : Constituer ou prendre une tête de pont et la tenir jusqu’à l’acheminement des renforts.


Dans le cas du débarquement de Normandie, un objectif était prioritaire : s’emparer de Cherbourg, seul port en eaux profondes capable d’accueillir les bateaux acheminant les matériels lourds, principalement chars et canons. Cherbourg était à 40 kms au Nord-Ouest des plages du débarquement, bien défendue par des divisons allemandes de Panzers. Il fallait donc amener au moins une division de blindés pour conquérir Cherbourg.





Ste Mère l’Église avait eu position triplement stratégique :


  • Moins de 10 kms de Utah Beach

  • Sur la N13 Paris-Cherbourg idéale pour acheminer des blindés américains comme allemands

  • Carrefour de deux autres routes possibles pour les renforts.


Donc tenir Ste Mère l’Église, c’était permettre les renforts américains comme empêcher ceux des allemands. Il fallait donc sauter sur Ste Mère l’Église, la prendre et la tenir jusqu’à l’arrivée des renforts américains en empêchant les renforts allemands.


Une opération aéroportée se décompose en trois étapes :


  1. Le largage

  2. La prise de l’objectif

  3. La tenue de l’objectif i.e. la résistance aux contre-attaques


Deux divisions de parachutistes américains (14 000 paras) sautèrent ainsi sur Ste Mère l’Église : les 82ème et 101ème US Airborne qui attendaient la 4ème US division et, du côté allemand, le Grenadier-Régiment 1058 et l'Artillerie-Régiment 191 puis le renfort la division d’élite 17ème Panzer SS qui prit part à la bataille de Carentan à quelques kilomètres tentant une percée vers Cherbourg.


  1. Le largage : totalement raté. Une véritable catastrophe ! Plusieurs raisons :


  • DCA allemande très efficace qui détruisit de nombreux avions et en obligea d’autres à se détourner de leurs routes ce qui fit rater les drop zones (zones de saut) ce qui aboutit à des paras atterrissant dans des marais ou champs inondés préalablement par les Allemands, un premier carnage par noyade. D’autres tombèrent dans des champs hérissés de pieux lors du travail de consolidation du Mur de l’Atlantique accompli par Rommel, second carnage.


  • Le vent, plus fort que prévu, amena des paras à une dizaine de kilomètres des zones prévues dans un rayon très large provoquant une désorganisation totale ainsi que des heures de retard ce qui aurait pu être fatal !,On n'oublie pas le pauvre John Steele, qui tombé sur le clocher de l'église, y resta accroché toute la nuit ! Eglise, dans laquelle de nombreux blessés furent soignés.

Dès l’atterrissage, certaines unités avaient déjà 50% de pertes et cela atteignait 70% dans les unités de planeurs, qui ne furent plus utilisés par la suite !


  1. La prise de Ste Mère l’Église : réussie !


Certaines unités allemandes s’étaient retirées au vu de l’ampleur du largage, 14 000 paras, la ville fut prise dès 6 h du matin malgré les pertes effroyables.


  1. La tenue de Ste Mère l’Église : réussie !


Il y eut deux contre-attaques : d’abord avec les troupes de garnison qui s’étaient retirées qui furent facilement repoussées par les paras et ensuite une contre-attaque avec des blindés des Panzer IV Tigre qui fit beaucoup plus de dégâts mais qui fut quand même repoussée ! Troisième carnage qui fit littéralement fondre les deux divisions paras américaines qui durent être reconstituées par la suite, notamment pour la bataille des Ardennes.


La 4ème US division arriva entre midi et deux heures et put prendre sa route vers Cherbourg qui fut prise à la fin du mois 3 semaines plus tard.


Officiers Perdus T2 Rebond en Patagonie Chapitre V Ste Mère l’Eglise





Ce matin-là un colonel américain venait leur rendre visite et ils l’attendaient tous debout dans la cour :

— Garde à vous !

Le général Leclerc prit la parole :

— Messieurs, je vous présente le colonel Fitzgerald de la 101ème Division Parachutiste Américaine, la 101ème Airborne, comme ils disent. Il est maintenant parfaitement clair que nous préparons un débarquement en France, même les Allemands le savent. La 101ème Airborne sera parachutée derrière les lignes allemandes pour les perturber, faciliter notre débarquement, et bloquer une possible contre-attaque. Son rôle sera donc essentiel !

Le colonel Fitzgerald a une question à vous poser !

— Those who speak English, raise your hand !

— Bon ceux qui n’ont pas levé la main, rompez les rangs ! Les autres, vous êtes temporairement détachés de la 2ème DB à la 101ème Airborne pour un temps indéterminé, à une condition cependant que vous soyez capable de sauter en parachute. D’ici là je vous laisse sous la responsabilité du colonel Fitzgerald !

Celui-ci rajouta sobrement :

— For D-Day, we need interprets !


Officiers Perdus T2 Rebond en Patagonie Chapitre V Ste Mère l’Eglise





L’avion était très agité, les paras avaient l’impression désagréable d’être dans un panier à salade que quelqu’un secouait.


Peyo devait sauter dans les derniers du premier avion avec le colonel Fitzgerald qui lui devait y aller le dernier en compagnie de son radio. Ils n’eurent pas à patienter longtemps, peut-être une demi-heure quand la lumière passa du rouge au vert, ils entendirent :

— Stand up ! Hook up !


Et la fameuse sirène Hin Hin Hin Hin Hin si stridente qu’elle vous donnait envie de sauter au plus vite, rien que pour ne plus l’entendre, et le largage commençait, chaque para annonçant le numéro du para précédent quand il avait sauté. Peyo était en douzième position, cela alla très vite et il entendit :

— N° 10 OK !

— GO !


Il dit :

— N° 11 OK !

— GO !


C’était son tour : il sauta ! Une sensation de remonter vers l’avion, une grande impression de silence et il était temps de regarder autour de lui. Il vit immédiatement que cela n’allait pas bien : trop de vent, son parachute était très agité, et les autres trop dispersés loin les uns des autres. Comme on le leur avait expliqué, c’était le contraire d’un largage réussi, un vrai largage à problème où la première difficulté serait de retrouver les copains ! Mais cela ne dura pas longtemps ! Au lieu de voir le sol, il voyait une ligne haute tension et il arrivait droit dessus ! Il essaya en jouant sur les suspentes de l’éviter mais, rien à faire, un fort vent le poussait droit dessus et son parachute vint se suspendre sur les lignes, et il eut la peur de sa vie, celle de mourir électrocuté, carbonisé. Mais rien de cela ne se passa. Il réalisa qu’il était en train de faire de la balançoire allant dans un sens puis dans l’autre autour de la ligne haute tension puis tout lâcha et il tomba sur le sol, l’épaule en avant mais c’était beaucoup plus dur, plus rigide que d’habitude, il se releva et se rendit compte qu’il n’était pas dans un champ mais dans la cour d’une ferme.


Un chien effrayé s’enfuit en couinant et une femme tout autant apeurée ferma précipitamment une fenêtre alors que Peyo, le pistolet mitrailleur Thompson au poing, hurlait aux habitants :

— N’ayez pas peur, Armée française, euh, non Armée américaine !


Mais il était tout seul. Cette femme n’avait visiblement pas été rassurée ! Les choses se précipitaient, un autre parachute arrivait et il allait atterrir en plein sur la route. Peyo qui venait de se débarrasser de son parachute, se précipita à l’entrée de la ferme. Le parachute était tout près mais il arrivait sur une voiture ! Il reconnut le colonel Fitzgerald et la voiture n’était autre qu’une Kübelwagen allemande ! Elle était occupée par deux personnes, un officier reconnaissable à sa casquette et son chauffeur. Les deux avaient l’air surpris et effrayés par ce parachute qui tombait sur eux, le chauffeur pila. L’officier cherchait à dégainer son pistolet. Peyo n’avait pas le choix, il rafala avec son pistolet mitrailleur Thompson et les deux Allemands s’affaissèrent, tués nets !


À 19 ans à peine, arrivé sur le sol français Peyo venait de vivre son baptême du feu et avait tué deux Allemands !


Officiers Perdus T2 Rebond en Patagonie Chapitre V Ste Mère l’Eglise




Peyo au volant fit démarrer la voiture allemande et ils commencèrent à chercher le radio, roulant tout doucement en prenant le premier carrefour ils le trouvèrent enchevêtré dans un grand système de grillage probablement destiné à stocker du foin, totalement prisonnier. Il avait donc été incapable rassuré et aida Peyo, ils eurent à cisailler le grillage pour enfin libérer le malheureux !


Dès que le soldat fut libre, Fitzgerald put expliquer la situation car 3 sur 1 000, c’était mieux que d’être seul mais pas assez pour battre les Allemands !


Fitzgerald venait d’avoir le général Taylor commandant la 101ème et leur expliqua : d’abord la mauvaise nouvelle, deux compagnies en perdition dans les marais inondés, la plupart noyés les autres disparus, ne pas compter sur eux, ce qui faisait 250 hommes en moins. La bonne nouvelle il en restait 750 sur le 502ème PIR la plupart sur la DZ initiale environ 500, et le reste on ne sait où... Comme eux une demi-heure plus tôt !

— Let’s go to the Drop Zone, folks !


Le radio suggéra de placer un fanion américain à l’avant de la voiture, pour éviter que leurs copains leur tirent dessus, et ils se dirigèrent vers la DZ initiale. En chemin, ils tombèrent sur un parachute accroché à un grand peuplier et s’arrêtèrent donc. Il y avait bien un para accroché au peuplier.


Peyo sorti le premier et cria :

— Are you alive ? Are you wounded ?

— Oui Peyo ! C’est moi Bertrand et je ne suis pas blessé, mais je ne sais pas comment descendre !


Cas non conforme qu’ils n’avaient pas eu le temps de réviser, mais les deux américains avaient la solution !

— Bon Bertrand, déclenche ton ventral et fais-le tomber vers nous !

Bertrand s’exécuta et le ventral déployé arrivait à deux-trois mètres du sol.

— Bon maintenant il faut que tu enlèves ton harnais et que tu te laisses glisser sur le ventral tout du long ensuite tu pourras tomber il y a à peine deux mètres !


Ce n’était pas un exercice facile et il y arriva, descendant lentement le long du ventral, rendu très maladroit à cause du sac et de son arme qu’il n’aurait pas pu abandonner, bien sûr ! Il finit par tomber lourdement sur le sol mais se releva et râla !

— À peine deux mètres, hein ? Il y en avait trois ou quatre !

— Tu es un para ou pas ?


Officiers Perdus T2 Rebond en Patagonie Chapitre V Ste Mère l’Eglise





Fitzgerald redoutait une contrattaque de chars. Ils arrivèrent en début d’après-midi. Et là, tout changea !


À la 2ème DB, dans des diverses formations, où la propagande avait une large part, on leur avait assuré que les meilleurs fantassins du monde ne pouvaient strictement rien contre des chars ! Leclerc n’était pas un officier de cavalerie pour rien !


Fitzgerald, lui, n’avait quand même pas dit pareil, mais avait insisté sur le fait que, au lieu de les affronter de face, il fallait se rendre invisible !


Pour cela, dès qu’ils avaient vu les Panzer IV Tigre arriver, l’essentiel du régiment s’était réfugié dans les caves avec des postes d’information dans les soupiraux, diverses unités de bazookas pré-positionnés sur les côtés de l’axe de pénétration des chars et bien sûr des observateurs situés sur les toits !


Fitzgerald avait tenu à laisser tous leurs postes fixes utilisés pendant la première contre-attaque comme les guérites ou les nids de mitrailleuses intactes mais vides ! Ils furent l’objet des premiers tirs des Panzers !


Si, par hasard, on manquait d’une définition de l’enfer, là on en découvrait une idée assez claire et dans plusieurs sens :


D’abord voir ces véritables monstres à chenille en mouvement venir sur vous, était effrayant, rien ne paraissant pouvoir les arrêter si ce n’est votre propre écrasement. À cela s’ajoutaient les flammes qui sortaient des canons à chaque tir, les flammes de l’enfer !


Venait ensuite le bruit ou plutôt les bruits car il y en avait au moins de deux sortes : les moteurs et les tirs. Des bruits de moteurs comme jamais entendus auxquels s’ajoutaient ceux des tirs que l’on ressentait comme des secousses car sans être continus se répétaient et se répétaient encore et encore.


Enfin, venaient les odeurs. Celle qui prédominait venait de la fumée due aux tirs. Terriblement âcre, elle vous prenait à la gorge et faisait tousser, tousser, tousser encore. En plus, elle était accompagnée de celle des diésels, profondément huileuse.


Oui, une bonne description de l’enfer, que cette attaque de chars. Ces monstres étaient énormes, faisaient un bruit terrible et dégageaient une odeur insupportable. En plus, ces monstres faisaient mal, très mal.


Officiers Perdus T2 Rebond en Patagonie Chapitre VI Le Bagpiper





Situé à quatorze kilomètres de Ste Mère l’Église, à la jonction de deux routes menant l’une à Saint Lô, l’autre à Bayeux et Caen, Carentan avait la position stratégique du contrôle du Cotentin et de Cherbourg, son port en eaux profondes. Il tenait plus du gros village que de la petite ville. Pour le moment, il semblait plutôt épargné par la guerre, maisons et immeubles debout et intacts.


Prendre Carentan, telle était la mission de la 101ème Airborne et il allait falloir l’arracher à la 17ème Division SS Panzer Grenadier aidée par quelques bataillons dont des paras allemands, leur avait-on dit. Pour le moment les éléments blindés de celle-ci n’étant pas encore sur place, il leur fallait prendre la position et tenir jusqu’à ce que leurs blindés de la 4th US Division arrivent.

.

Les combats avaient commencé et ils approchaient maintenant de la lisière du village où se tenait une ferme. Celle-ci venait manifestement de recevoir des tirs, son toit éventré en témoignait. Les combats avaient fait rage et, sur le parvis d’une porte, se tenait une petite fille toute seule apparemment.

Le 502ème PIR était au contact, les Allemands retranchés juste derrière, la fillette entre les deux.

Dès que les Américains avançaient, les tirs reprenaient, et la fillette hurlait. Fitzgerald ordonna le cessez-le-feu et s’approcha pour mieux comprendre :

— Où en est-on, Peyo ?

— Un bataillon SS est en fuite, apparemment assez désorganisé, ils sont retranchés juste derrière, la petite fille semble la seule survivante. On voit les corps de ses parents ici et là. Dès qu’on bouge, les tirs reprennent et cela va finir mal pour elle !

— Il nous faut avancer, je vais envoyer une section faire le tour vers la droite et une autre sur la gauche.


Une heure s’écoula sans progrès significatif, les SS paraissant indélogeables sauf à passer par la ferme ! Une unité britannique arrivait juste derrière eux. C’étaient des Ecossais de la célèbre Black Watch, la garde personnelle du Duc d’Edimbourg. Ils étaient vêtus d’un simple treillis militaire et non de leur splendide uniforme de parade, kilt et bonnet d’ours à poils noirs.


Leur chef, un capitaine s’approcha de Fitzgerald :

— Qu’est ce qui se passe ?

— On est bloqués, on ne peut pas passer par les côtés et si on avance la gamine sera tuée !

L’écossais paraissait songeur puis appela :

— Bagpiper !



1 Ceux qui parlent anglais, levez la main !

2 Le jour J, il nous faudra des interprètes !

3 Debout ! Accrochez !

4 Allons à la zone de largage les copains !

5 Êtes-vous en vie ? Êtes-vous blessé ?

6 La Veille Noire

7 Joueur de Cornemuse


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Retrouvez les héros de la saga Officiers Perdus dans les tomes 1 et 2 :








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