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Genèse du Roman Historique Officiers Perdus




Quand le Putsch d’Alger éclate le 21 avril 1961 je suis un petit garçon qui n’a pas encore cinq ans, car né en juillet 1956. Je n’ai pas un souvenir très net du putsch en tant que tel, mais mon premier souvenir d’enfance remonte à plus tôt : Ma mère pleurant au téléphone après avoir appris de mon père, qu’il venait de sauter en parachute pour porter secours à son frère d’armes Pierre Z blessé et encerclé. L‘opération avait été un franc succès mais ma mère pleurait quand même ! Moi je ne comprenais pas, je ne le fis que bien plus tard mais je ne voyais qu’une chose : Ma maman pleurait !


Rentrée Scolaire 1961





Qu’est-ce qui m’a pris de dire Prisonnier à Fresnes à l’institutrice qui inscrivait soigneusement nos réponses sur un beau cahier d’écolier car nous ne savions pas encore écrire !

C’est la question qui m’a été posée par ma mère, après avoir reçu la convocation chez la Directrice de l’Ecole ! pourtant moi j’avais répondu cela très naturellement parce que c’était vrai ! Il m’a alors été assuré que oui c’était vrai mais qu’il ne fallait pas le dire ! Je suggérai alors dire Officier comme on avait toujours dit ! "Ah non, Officier on ne peut plus le dire !" Ma grande sœur, Corinne conclut le débat : "T'as qu’à dire Militaire en reconversion !"

Ma mère n’eut aucun problème avec la Directrice de l’Ecole rassurée d’apprendre que mon père n’était ni meurtrier ni proxénète ! Ces deux compagnons de cellule l’étaient eux, car le Pouvoir avait interdit tout regroupement d’officiers en cellule, prenant sans nul doute un malin plaisir à les mélanger avec des criminels ! Les humilier un maximum telle était la ligne directrice !


Rabbah : mon harki garde du corps




Il s’appelait Rabbah. C’était un Harki. Il était mon garde du corps. Et moi j’avais 5 ans !

Mon père, absent car en prison, avait tenu à faire protéger sa famille contre diverses menaces du SAC notamment ! Le Service d’Action Civique, véritable police parallèle de de Gaulle, était l’auteur de multiples sévices et l’enlèvement d’enfants des officiers de l’OAS était très redouté !

Dès début 1961, il était clair que le sort des harkis allait être terrible et leur vie même menacée ! Mon père très attaché à ses harkis ne pouvait pas les sauver tous. Mais il avait convaincu un camarade officier de l’armée de l’Air, d’en embarquer trois, en passagers clandestins, dans un avion, militaire donc, qu’il convoyait vers le Sud-Ouest de la France !

Rabbah, Mohamed, et Saïd étaient donc disponibles à Bordeaux où nous avions élu domicile mes grands-parents maternels y habitant. Saïd, qui était également cuisinier, assurait la protection de ma mère, Mohamed de mes deux sœurs, et Rabbah était mon garde du corps.

Rabbah était grand, il était beau, Edith Piaf aurait sûrement rajouté qu’il sentait bon le sable chaud !

Le matin il m’emmenait à l’école, portant sous blouson le poignard des parachutistes, invisible donc mais moi je savais !

Une fois la classe rentrée dans la salle, il restait devant la porte fermée en interdisant l’accès à quiconque ! Et ce rituel recommençait tous les jours ! Le soir on montait et démontait un fusil mitrailleur qui prenant le couloir d’entrée en enfilade le rendait inaccessible à tout intrus !

Deux ans plus tard, mon père ayant retrouvé alors la liberté pour bonne conduite, même en prison un officier reste un officier, le jeune pouvoir Algérien avait commencé à leur chanter le chant des sirènes sur le thème : « Harkis rentrez chez vous car tout est pardonné. L’Armée Algérienne a besoin de soldats comme vous, vous y serez intégrés et même promus au grade supérieur ! »

Mon père et ma mère ont eu beau leur dire de se méfier, et d’autres harkis dirent la même chose, que c’était un piège qu’il ne fallait pas y aller… Saïd, Rabbah et Mohammed ont voulu tenter leur chance et rentrer en Algérie. Leur histoire s’est terminée brutalement et tragiquement avec le sourire Kabyle : Egorgés dans un sous-sol de l’Aéroport d’Alger !

Mes parents ont essayé de nous cacher la vérité sur ce drame. Mais, un jour recevant des amis, ils se sont coupés, et, alors j’ai compris et fus glacé d’horreur. Puis ce furent les larmes.

Il s’appelait Rabbah. C’était un Harki. Il était mon idole. Et moi j’avais 7 ans !


Aïtaxi (grand-père basque)





J’adorais mon grand-père qui me le rendait bien. La scène se passe à la fin de l’été à Guéthary joli village de la côte basque. La maison typique du Pays Basque, volets et tuiles rouges sur le toit avait une vue imprenable sur l’Atlantique et ses gigantesques vagues, avec un mélange de senteurs marines et florales, ces dernières venant d’un jardin à l’anglaise.


- Mon petit Gilles il va falloir que tu me fasses une promesse !

- Laquelle Aïtaxi ?

- Ton service militaire : tu feras Saumur pour devenir Officier de Cavalerie !

- Mais Aïtaxi, je peux te promettre d’essayer mais pas de réussir !

- Ah, engagement d’effort, mais pas de résultat ! Ecoute tu as réussi une école civile d‘ingénieur, alors tu seras capable de faire une école militaire d’officiers non ?

- Sur le papier, oui, mais c’est quand même très différent !

- De toutes façons il faut que tu me la fasses car c’est sûrement la dernière fois qu’on se voit, du moins dans ce monde !

- Mais Aïtaxi je reviens à Noël !

- À Noël c’est moi qui ne serai plus là ! Alors tu promets ?

- Oui Aïtaxi, j’irai à Saumur et serai Officier de Cavalerie !


Service Militaire





À une époque où tous mes camarades ne cherchent qu’à se faire réformer, je vais refuser toutes les propositions mirifiques de mon école, en Coopération ou dans les Ambassades pour choisir dans l’incompréhension générale, mais pour respecter la parole donnée à Aïtaxi, la voie de la PMS (Préparation Militaire Supérieure), la PMP (Préparation Militaire Parachutiste) puis l’Ecole d’Officiers de la Cavalerie de Saumur et le 13 éme RDP (Régiment de Dragons Parachutistes). Les Dragons de l‘Impératrice depuis que l’Empereur les eut affectés à la garde de son épouse !

Un parcours beaucoup plus difficile que la Coopération ou les Ambassades mais ce parcours beaucoup plus dur à tous niveaux, physiquement et psychologiquement, je ne le regretterai jamais ! Quand mon grand-père me disait qu’on ne devenait un homme qu’après avoir fait l’armée, j’avais du mal à le croire ! Et j’ai fini par l’admettre trop tard pour lui dire hélas car il avait disparu entretemps !

De mon temps dans l’armée je n’ai que des bons souvenirs surtout humains d’Officiers de Sous-Officiers ou de soldats et c’est peut -être dans l’Armée où j’ai le plus appris notamment sur le management qu’ils appellent le commandement !


L’honneur d’un capitaine


En 1982, peu de temps après mon retour dans le civil, sort un film de Pierre Schoendoerffer : « L’honneur d’un Capitaine », où Nicole Garcia s’emploie à laver l’honneur de son mari injustement sali par les media même après sa mort. Ce jour-là, je me suis juré qu’un jour je laverai l’honneur de mon père incarcéré comme un criminel après le putsch d’Alger ! La Genèse d’Officiers Perdus se trouve donc là en 1982 il y a 40 ans suite au film « L’Honneur d’un Capitaine. » Et il ne s’agit pas seulement de l’honneur de mon père ! L’honneur de tous ses Frères d’Armes, l’honneur des Harkis, l’honneur des Pieds Noirs !

Il y en aura fallu du temps !


On peut donc résumer la Genèse d’Officiers perdus par ces dates :

  • Avril 1961 : Putsch d’Alger

  • Rentrée scolaire 1961 : Papa en prison à Fresnes

  • Rabbah : mon harki garde du corps 1961-1963

  • Promesse à Aïtaxi (grand-père basque) 1978

  • Service Militaire 1979-19881

  • L’honneur d’un capitaine 1982

  • Officiers Perdus Décembre 2021


J’ai souffert du drame de l’Algérie Française ! Peut-être moins que beaucoup d’autres ! C est pour cela que j’ai écrit ce livre ; Je sentais que la blessure de la Guerre d’Algérie n’était pas cicatrisée. Le succès de mon livre le démontre mais je suis surpris par l’ampleur de cette blessure qui est vivace dans les trois publics évidents : les militaires, les pieds noirs et les harkis. Mais pas seulement car des millions de français sont concernés pour avoir un parent proche ou même par alliance dans un des trois publics, militaire, pied noir ou harki. Chez tout le monde, c’est un sentiment d’une terrible injustice ! Une injustice non seulement jamais réparée, mais même pire, toujours niée ! Mon livre a le mérite au moins de révéler ce drame toujours dédit !


Autre article : Le Putsch d'Alger


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